Synopsis de Riolu :
Sa dernière recherche touchait à sa fin. Il voulait voir ce que ça fait de tuer. À quoi ressemble un être en train de mourir. C’était son ultime expérience.Assassinat expérimental
Il a sacrifié une personne pour la science. Aurait-on pu sauver sa victime ? Peu importe. Elle est morte et rien ne pourra changer cette vérité inconditionnelle. Il soutenait qu’il n’y avait pas de plus grand honneur que de mourir pour la science. Qu’il n’a fait ça que dans le but de servir la science. La science, la science, toujours elle. Pas de quoi pleurer sur le sort de sa victime. Lui aussi a donné sa vie pour la science. Il sait tout maintenant. C’était la dernière donnée qu’il lui manquait. Quelle est l’influence d’une peur panique sur le cerveau humain ? Comment se comporte-t-il face à une mort imminente ? Et quel est l’état d’esprit d’un sujet après avoir supprimé la vie d’un de ses congénères ? C’était sa plus belle expérience. C’est la première et la dernière fois qu’il travaillait avec un sujet qui ne s’était pas porté volontaire.
Il a analysé les données. Répertorier tout ce qu’il a vu et fait. Il a tout écrit immédiatement. Il ne pouvait plus attendre. Il devait rédiger son rapport.
«
Rapport d’expérience :Première partie : Psychologie d’un sujet face à un danger mortel.Le sujet de test est, était, Géraldine Lise ARTHUR, 67 ans.
Née le 22 février 1946. Décédée le 7 mai 2013 à 20 heures, 34 minutes et 17 secondes. Mesure 1 mètre 52.
Pèse 81,32 kilogrammes.
Antécédents médicaux : atteinte d’une tumeur au cerveau inopérable.
Date de survie maximale estimée : 15 décembre 2013.
Cause de la mort : hémorragie interne et externe suite à des violences réalisées sur acte prémédité.
Circonstances précises de la mort : Le 7 mai 2013, à 9h18 elle quitta sa chambre en fauteuil roulant, supervisée par un médecin. 9h21 le médecin l’embarqua dans une voiture. 9h45 elle fut descendue dans une pièce souterraine appartenant à un laboratoire. 9h45 à 20h34 elle subit des violences de différents types menant à sa mort. Les techniques qui ont été utilisées sont : coups à mains nues, coups de pied, coupe de veines, salaison des plaies, arrachage des ongles, coups de scalpel au niveau du cœur.
Comportement du sujet lors de l’expérimentation : Supplications destinées à l’expérimentateur, demande de pitié, prières, évocation de Dieu à plusieurs reprises. Tentatives de fuite sans succès. Pleurs, larmes en abondance et hurlements de manière fréquente et répétée. Au début de l’expérience les cris du sujet étaient des phrases sensées. À partir de la moitié ce n’était plus que des onomatopées, traduisant un épuisement. Lors d’éclairs d’énergie, le sujet tentait d’esquiver les coups portés par l’expérimentateurs. Sur la fin, le sujet ne tentait plus rien, il se contentait de subir la douleur. Certainement à cause du désespoir qui lui dictait qu’il était inutile de résister.
Fin de la première partie du rapport.
Seconde partie : État d’esprit d’un sujet après avoir tué un autre être humain
Maintenant, je dois écrire absolument tout ce que je pense. Comment est-ce que je me sens ? Bien. Extrêmement bien.
Pourquoi ?Parce que je sais tout. Tout des êtres humains. De leur naissance à leur mort. Et grâce à moi, grâce à mes expériences, tout le monde peut savoir.
Mais à quel prix ?Au prix de ma vie.
Seulement ?Au prix de la vie de Mme ARTHUR.
Est-ce que ça en valait la peine ?Oui.
Es-tu sûr de cela ? Est-ce que la science mérite réellement ces sacrifices ?Évidemment. Rien n’est plus important que la science. Qu’y a-t-il de mieux que le savoir ? Que le sentiment d’avoir agrandit les connaissances de l’humanité entière ?
Tu aurais pu mener une toute autre vie.Mais c’est cette vie que j’ai menée et je ne regrette rien.
Vraiment ? N’as-tu jamais rêvé de vivre normalement, d’avoir des amis ?Peu importe, non ?
C’est à toi de répondre à cette question.Qui es-tu ?
Qui es-tu ?Que fais-tu ?
Pose-toi la question.Que fais-je ? J’écris.
Je ne parle pas de ça.Je débats.
Débattre avec qui ? Tu es seul, comme toujours.Je débats avec toi.
Qui suis-je ?La folie.
Non, je ne suis pas la folie et tu le sais.Je débats seul, je suis donc fou.
C’est faux, tu as conscience de me faire parler, n’est-ce pas ? Tu n’es donc pas fou.C’est vrai. J’ai conscience de te faire parler.
Est-ce que la science mérite ton sacrifice ?Oui.
Est-ce que Mme ARTHUR méritait de mourir ?Oui.
Pourquoi ?Elle allait mourir à la fin de l’année au plus tard.
Est-ce une raison ? Tu l’as fait souffrir avant de la tuer.L’expérience n’aurait pas été complète sinon.
Est-ce une raison ?J’étais son médecin, c’est à moi de décider si elle doit vivre ou non.
Est-ce une raison ?Oui.
Quel genre de médecin es-tu ?Un des meilleurs au monde.
Un médecin qui tue ses patients ? Ce n’est pas à toi de décider qui doit mourir.C’est à Dieu. Et pourtant j’ai décidé quand et comment Mme ARTHUR devait mourir. Je suis donc Dieu. Dieu… Dieu de la science. Je sais tout.
Réellement ? Tu n’es pas un dieu. Tu es un criminel.Et toi qui es-tu ?
Moi ? J’essaye de te faire réfléchir.Tu es ma conscience ?
Je ne sais pas. Peut-être. Combien de temps as-tu passé à préparer ton meurtre ?Mon expérience.
Ton assassinat.Plus d’un an.
Tu as perdu un an de ta vie pour tuer quelqu’un.Lorsqu’on a passé sa vie à servir la science, ça importe peu.
Tu aurais pu passé cette année à faire quelque chose de mieux.Quoi donc ?
Sortir. Te balader. Aller en vacances. Te faire des amis. Jouer. Lire. Te détendre. T’accorder les petits plaisirs que tu t’es toujours refuser.Mais j’étais heureux de faire ça.
Passer tes journées enfermé dans ce laboratoire, sans jamais voir la lumière du soleil. Te renseigner sur les techniques d’assassinat, de torture… Ça te rendait heureux ?
C’est le plaisir de la recherche. Apprendre, découvrir, tester.
Tu as appris comment tuer des gens.Une connaissance reste une connaissance.
Pourquoi as-tu eu besoin de savoir ça ?Parce que c’était la seule chose qu’il me restait à expérimenter.
Tu as passé toute ta vie à essayer de comprendre les humains et après, tu veux les tuer ?Je ne veux pas les tuer.
C’est pourtant ce que tu as fait.C’est faux. C’était une expérience.
Mais ce qu’il s’est passé est bien réel. Mme ARTHUR est morte pour toujours et tu le sais. Tu l’as entendue te supplier. Tu l’as entendue crier. Tu as senti son dernier souffle. Tu as encore son sang sur tes vêtements.Ce n’est pas ma faute si elle est morte.
De qui est-ce la faute ?
La science.
C’est toi qui l’a tuée.Pour la science.
La science est-elle venue t’ordonner de tuer un autre être humain ?Non.
Tu as pris cette décision seul.C’est pour le bien commun que je l’ai fait. Ce n’est pas ma faute.
Ce n’était pas un accident. Pendant un an tu as tout préparé.Ce n’est pas ma faute.
Tu as choisi ta victime avec le plus grand soin. Tu as pris un de tes patients avec des organes qui puissent être réutilisés. Tu as choisi quelqu’un qui avait une faible espérance de vie. Tu as pris quelqu’un qui n’avait pas de proches.Ce n’est pas ma faute.
Pourquoi ne veux-tu pas assumer tes responsabilités ?Parce que je ne suis pas responsable.
Pourquoi ?Parce que… Je suis fou.
Pourquoi es-tu fou ?Parce que je suis dépendant de la science.
Et donc tu es fou ?Oui.
Et ça te permet de dire que tu n’es pas responsable ?Oui.
Pourtant tu étais parfaitement conscient de tout ce que tu as fait.Je suis fou. Sinon, pourquoi retranscrirais-je ce monologue à deux voix ?
Je ne sais pas en fait. Après tout, je suis toi.Désormais tu sais qui tu es ?
C’est toi qui a trouvé la réponse.Ce n’est pas toi qui me l’as donnée ?
On s’en fiche, je suis toi, tu es moi. Je suis ta marionnette, toi le ventriloque.Donc je suis fou ?
Pourquoi tu ne réponds pas à cette question toi-même ? Quelle est ton obsession pour la folie soudainement ? Tu te cherches une excuse pour justifier ton assassinat ?Non… J’ai l’impression de devenir fou. C’est fini. Je n’ai plus rien à faire maintenant. Mon seul plaisir était de tester. Que vais-je devenir sans la chose qui me permettait d’ignorer tout le reste ?
Alors, la seule chose qui te perturbe après que tu aies tué et fait souffrir un autre être humain, c’est ça ? Tu es encore pire que ce que je croyais…Pourquoi tu dis cela ? Pourquoi me fais-tu des reproches alors que tu es ma marionnette ?
Je dis tout ce que ta fierté t’empêche d’admettre. Je te montre ce que tu ne peux voir tant tes yeux sont rivés sur tes recherches.Je ne crois pas un mot de ce que tu dis.
C’est bien le problème. Et pourtant, tu es le ventriloque. Ne veux-tu pas m’écouter pour une fois ?Je ne sais pas. Je perds la boule.
Tu récupères ton cœur plutôt.Jamais entendu d’âneries pareilles. Je récupère mon cœur… Et puis quoi encore ? Je suis un scientifique. Pas un romancier fleur bleue.
Je sais que tu commences à culpabiliser.C’est vrai… Mais ça valait le coup. Tant pis pour Mme ARTHUR.
Mme ARTHUR… Ta gentille patiente qui s’intéressait à toi. Qui te souhaitait de vivre longtemps et heureux en remerciements aux soins que tu lui prodiguais. Qu’as-tu fait en retour ? En tant que bon médecin ?Je l’ai tuée.
Tu l’as tuée.Tais-toi. J’en ai marre de t’entendre raconter des inepties.
Alors pourquoi me fais-tu parler ?C’est toi qui t’es imposé. Moi je n’ai rien demandé.
Arrête de te mentir à toi-même. Tu te sentiras mieux après.Soit. Je te fais parler. Je trouve que ce que tu dis est vrai. Je culpabilise. Je suis heureux d’avoir fini mes expériences. J’aurais aimé mener une autre vie. Je ne regrette pas celle que j’ai. Je suis fier de ce que j’ai accompli et découvert. Je peux mourir en paix, mais je ne veux pas mourir. J’aimerais continuer mon métier de médecin, mais c’est trop tard. J’aimerais que Mme ARTHUR ne soit pas morte, mais je l’ai tuée pour mon expérience. J’aimerais un ami à qui parler, mais je n’en ai aucun. Et j’aimerais que maintenant, tu arrêtes de me faire des remarques.
Fin du rapport. »
Ensuite il a disséqué le corps. Récupéré les organes, tous mis dans des bocaux. Il les a placés dans les congélateurs de son labo. Il a imprimé son rapport en plusieurs exemplaires. L’un d’eux a trouvé sa place dans ses recherches, venant finaliser ses expériences. Il a envoyé tous les autres à l’exception d’un seul aux chercheurs avec lesquels il collaborait.
Qu’a-t-il fait après ? Il ne voulait en aucun cas laisser son esprit divaguer à nouveau. Alors il a lu tous ses autres rapports d’expériences. Le travail de toute sa vie.
Il a fini le dernier. Il a regardé sa montre. Il était presque l’heure.
Il est venu au bureau de police.
« Bonjour. Je viens me rendre aux forces de l’ordre. Il y a presque 24 heures j’ai commis un meurtre. Tout est dans ce rapport. »
C’est ce qu’il a dit. Il nous a tendu un document. Nous l’avons interrogé. Il nous a tout raconté dans les moindres détails. Il nous a raconté sa vie, son meurtre. J’ai eu pitié de lui. Nous sommes le 8 mai 2013, il est 20h34 et nous avons incarcéré un homme de science.